Valerian, l'ambition galactique qui a coûté cher à Luc Besson

Rétrospective sur les films de Luc Besson

RÉTRO LUC BESSON

Romain Jankowski

8/3/20252 min read

Avec VALERIAN ET LA CITE DES MILLE PLANETES, Luc Besson touche enfin à son rêve d’enfant : adapter la bande dessinée mythique de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, qu’il admire depuis toujours et qui a nourri tout son imaginaire de science-fiction. Ce film, c’est son STAR WARS à lui, sa fresque spatiale totale, son pari fou : près de 200 millions d’euros de budget, une production entièrement européenne, des effets spéciaux dignes des plus grands blockbusters américains, un casting international… Bref, une ambition hors normes permise par le carton de LUCY.

Un duo mal assorti

Et il faut le reconnaître : visuellement, le film tient ses promesses. L’ouverture, sur fond de David Bowie, où la station Alpha s’élargit au fil des siècles jusqu’à devenir une cité interstellaire, est très convaincante. Les décors fourmillent d’inventivité, les créatures sont nombreuses, le design général est d’une richesse folle. Chaque séquence semble vouloir repousser les limites de l’imagination, de Big Market à l’univers aquatique des Pearls, tout est saturé de détails, de couleurs, de textures.

Mais à force de vouloir trop montrer, le film oublie parfois de raconter. L’intrigue, centrée sur la mission de Valérian et Laureline pour sauver Alpha d’une menace inconnue, pioche dans des thèmes éculés — colonisation, guerre, pardon — sans jamais parvenir à leur donner une portée nouvelle. Le récit est linéaire, voire prévisible, et surtout plombé par un rythme en dents de scie : les scènes d’action se succèdent sans tension dramatique réelle, et les pauses plus calmes peinent à créer l’émotion ou à faire avancer l’histoire. Le vrai point faible du film, c’est sans doute son duo principal. Dane DeHaan, talentueux dans d’autres rôles plus sombres ou introvertis (notamment dans THE PLACE BEYONG THE PINES), ne colle pas au personnage de Valérian, censé être un héros charismatique, insolent, séducteur. Son jeu reste trop distant, presque effacé. En face, Cara Delevingne livre une prestation qu'on peut qualifier de catastrophique. Leur relation, censée être au cœur du film, sonne creux. L’alchimie n’opère jamais, et leur dynamique reste artificielle.

Beau mais peu passionnant

Il en résulte un film paradoxal : débordant de générosité visuelle, mais étrangement froid ; immensément ambitieux, mais bancal dans sa narration ; bourré de moyens, mais désincarné dans ses enjeux. VALERIAN est une prouesse technologique et artistique, une lettre d’amour à la science-fiction européenne, mais aussi une œuvre déséquilibrée, où la forme prend constamment le pas sur le fond. En témoigne cette séquence de danse interminable où Rihanna (ou plutôt sa doublure) exécute des pirouettes dans tous les sens pendant de longues minutes. Besson a voulu se faire plaisir à tous les niveaux, quitte à oublier les fondements d'une bonne histoire.

Tout le monde connaît la suite. VALERIAN ET LA CITE DES MILLE PLANETES fut un four avec seulement 225 millions de dollars amassés. En France, il a bien marché avec 4 millions d'entrées, mais ce ne fut pas suffisant. Besson a dû fermer ses studios et solder sa boîte de production qui avait déjà contracté de grandes dettes pour financer le film. D'ailleurs, en 2019, EuropaCorp a été contrainte de se placer sous la protection du tribunal de commerce. Un plan de restructuration a été adopté, impliquant la perte du contrôle majoritaire par Luc Besson. VALERIAN a indéniablement marqué la fin d'une ère.