Lucy, Besson en roue libre cérébrale
Rétrospective sur la carrière de Luc Besson
RÉTRO LUC BESSON
Romain Jankowski
8/1/20252 min read


Petite précision avant d'entamer la relecture de LUCY : j'ai revu chaque film de Luc Besson pour préparer cette rétrospective. Chaque (re)vision fut dotée d'un sentiment, parfois haut (LE GRAND BLEU et LEON sont vraiment ses sommets), parfois mitigé (SUBWAY a pris un coup de vieux, ADELE BLANC-SEC n'est pas si efficace, VALERIAN est finalement assez faiblard, mais on y reviendra) et parfois entièrement désespérant. LUCY fait partie de celui-ci. Je ne l'avais jamais revu depuis sa sortie. À l'époque, j'avais été franchement consterné par le film. Onze ans plus tard ? Rien n'a changé. LUCY ressemble à une fulgurance de Luc Besson. Le genre de métrage qui démarre sur un postulat intrigant (et un peu bidon), qui s’envole très vite vers des sphères philosophiques... puis qui finit en feu d’artifice numérique indigeste. Au milieu, il y a beaucoup de dialogues inutiles et de scènes d'action catastrophiques.
Maximum cérébral
Le pitch ? Une jeune femme ordinaire devient une machine à penser, à tirer, à manipuler le monde, parce qu’elle a absorbé une nouvelle drogue synthétique. À mesure que son cerveau atteint 100 % de ses capacités (mythe scientifique assez largement discrédité, au passage), elle devient un être omniscient, omnipotent et, disons-le, un peu ennuyant. Scarlett Johansson traverse le film avec un regard vide qui se veut transcendantal. Et si elle impressionne parfois par sa présence froide, on peine à ressentir quoi que ce soit pour cette héroïne qui perd peu à peu toute humanité. Finalement, c'est là qu'on ressent la patte Besson : hormis Nikita, quelle femme a-t-il réussi à rendre "vivante" ? Souvent mal dirigées, ses actrices semblent constamment avoir cet air perdu au milieu d'une histoire qui paraît déconnecter de leur propre psychologie. On en aura encore un exemple frappant dans VALERIAN...
Encore un succès
On retrouve ici tout le Besson de la deuxième partie de carrière : goût pour les femmes (faussement) badass, narration musclée, et fascination pour les grandes questions existentielles (le temps, l’espace, la mémoire de l’univers…). Sauf que cette fois, l’emballage est plus bruyant que cohérent. Le cinéaste tente carrément des passages à la Terrence Malick d'un ridicule sans nom ! Entre deux courses-poursuites, LUCY insère des images de léopards, de cellules et d’univers en expansion, comme si un documentaire Arte avait été collé au montage final. Morgan Freeman, lui, fait ce qu’il peut en professeur de biologie, chargé d’expliquer les enjeux comme dans un PowerPoint illustré. L'expérimentation tombe à plat et rien ne ressort de ce film réalisé à la va-vite qui se ridiculise dans un final aberrant. Ses influences sont évidentes, voire presque dangereusement identiques à de nombreux égards, de LIMITLESS (autrement plus percutant) à TREE OF LIFE en passant par GHOST IN THE SHELL.
Incroyable mais vrai, LUCY sera un énorme carton, le plus gros du cinéaste à l'international (et qui le mènera à l'ego-trip VALERIAN qui provoquera, ironiquement, sa chute) : 463 millions de dollars de recettes, rien que ça. En France, il a attiré 5,2 millions de spectateurs, soit le quatrième plus gros succès de Besson, juste derrière ARTHUR ET LES MINIMOYS (6,396 millions de tickets vendus). C'est comme ça, les voies du box-office sont parfois impénétrables...