Léon, portrait d'un tueur mélancolique par Luc Besson

Rétrospective sur la filmographie de Luc Besson

RÉTRO LUC BESSON

Romain Jankowski

7/22/20253 min read

Après le succès de NIKITA, Luc Besson prend une pause après avoir sorti son documentaire ATLANTIS (on y reviendra). En 1994, il signe son retour avec un autre prénom en tête d'affiche : LEON. Cette fois, le cinéaste touche une forme de cinéma totalement épuré, limpide, sec, sans fioritures. Indéniablement l'un de ses sommets.

Une mise en scène de haut vol

Jean Reno trouve ici un de ses plus beaux rôles : un homme simple, analphabète, presque enfantin, dont la violence glaciale contraste avec une grande pureté intérieure. Face à lui, Natalie Portman, seulement âgée de 11 ans au moment du tournage, crève l’écran. Mathilda, c’est la douleur d’une enfance volée, mais aussi la provocation, la maturité précoce, l’humour noir et l’émotion brute. Reno dira plus tard avoir grandement réfléchi à l'aspect innocent de son personnage, alors que celui-là même est un tueur au remarquable sang-froid : "Je voulais qu'on sente que Léon n'avait jamais appris à vivre, ni à aimer. J'ai construit le personnage comme un enfant dans un corps d’adulte.".

Besson le filme d'abord dans l'ombre puis en pleine lumière, lui rendant soudainement son humanité. C'est un homme reclus, mais simple, qui aime avant tout s'occuper de sa plante et boire du lait en abondance. Son introduction est absolument remarquable tout comme la première heure du film dans son entièreté. Le cinéaste dépeint son univers avec une maîtrise absolue, en témoigne l'introduction du terrifiant et exubérant Norman Stansfield, chef de police corrompu jusqu'à la moelle. Il fallait indéniablement un acteur de génie pour livrer une telle prestation, que celle-ci puisse s'épanouir sans tomber dans la parodie. "Je jouais Norman Stansfield avec une énergie que je devais aller puiser au plus profond de moi-même" révéla Oldman. "Comme une composition d’opéra. Il n’avait pas de limites. Et Luc m’a encouragé à aller au bout de cette folie.". D'abord filmé de dos, puis au plus près de sa cible avant de laisser exploser sa folie quelques minutes plus tard. C'est simple, le cinéaste n'atteindra plus jamais ce genre de caractérisation qui fait de son antagoniste un homme aussi diabolique qu'imprévisible.

Troubles

Tourné à New-York, mais écrit en France, LEON alterne entre la violence sèche d'un polar et la tendresse troublante d'une relation quasi-filiale. Ou dérangeante ? Besson a toujours nié cette forme de romantisme entre un adulte et un enfant, préférant y voir une histoire de transmission. Ce qui n'est pas toujours évident au vu de certaines scènes (notamment celle des mimes où Mathilda déboule en Madonna, chantonnant Like a virgin)... D'autant que la version longue contredit fortement les propos du cinéaste, la relation amoureuse devenant davantage explicite. Mais on peut aussi voir l'ensemble comme une reconstruction des deux personnages, un conte moderne sur l'innocence et la réparation. Ce duo improbable devient forcément le coeur battant d'un film qui regorge de moments spectaculaires, comme cet assaut final sous haute tension.

L'univers de ce film reste fascinant et Besson se refuse un trop-plein de personnages ou de situations. C'est, avec LE GRAND BLEU, son scénario le plus limpide, celui qui déroule sans forcer, trouvant un équilibre magnifique entre densité émotionnelle et simplicité dramatique. Il faut aussi mettre en évidence la partition étourdissante d'Eric Serra, mais également souligner une fois de plus l'importance des comédiens. Au-delà d'Oldman, Jean Reno est ici bouleversant, Natalie Portman déjà impressionnante, Danny Aelio remarquable l'espace de quelques scènes dans la peau de Tony... Besson a réussi son pari artistique, mais aussi financier en cumulant 3,546 millions d'entrées. Quatrième gros succès d'affilée et il est bientôt proche d'en passer un cinquième avec... LE CINQUIEME ELEMENT.