Critique de SINNERS
CRITIQUES
Romain Jankowski
4/18/20253 min read


Après MICKEY 17, la Warner Bros sort un deuxième film à gros budget sans licence déjà connue. Un miracle ? On pourrait presque le penser, oui. SINNERS est une autre anomalie d'un studio qui fait franchement du bien au sein d'une industrie qui semble paralyser par la peur d'investir dans des projets qui offrent un nouveau souffle.
Le plan de Coogler
Certes, les scores décevants du film de Bong Joon-Ho ne plaideront pas en faveur de l'originalité. Soit. Mais nous pouvons profiter quand même de ce petit enchaînement qui restera peut-être sans lendemain. SINNERS, lui, est un métrage 100 % original, écrit et réalisé par Ryan Coogler. Ce dernier s'est fait un nom avec CREED et, surtout, BLACK PANTHER, mais il avait également mis en scène un bel uppercut avec FRUITVALE STATION en 2013. Pour son cinquième film, il collabore une cinquième fois avec l'acteur Michael B.Jordan qui joue ici un double-rôle. Pas comme Robert de Niro dans THE ALTO KNIGHTS (autre production Warner au passage), mais plutôt dans la peau de jumeaux (la technique pour les mettre ensemble à l'écran est d'ailleurs remarquable). SINNERS nous ramène dans le Mississippi en 1932 pour décrire une époque difficile où le racisme est toujours prégnant, bâti sur un esclavagisme n'ayant pas encore totalement disparu.
L'esprit Sinners
Toutefois, nous ne sommes pas ici dans un drame d'époque. Coogler mélange les genres et fonce dans le tas dans une dernière heure hallucinante en convoquant à la fois le fantastique et l'horreur pour appuyer son propos. SINNERS est une plongée passionnante dans un monde qui suffoque, où les personnes de couleur ne sont pas acceptées ou assignées à des tâches ingrates. On y suit le jeune Sammie Moore (génial Miles Caton dans son premier rôle), coincé entre les croyances de son père pasteur et sa volonté de faire de la musique. Il y a de la fascination chez lui pour ses cousins, des jumeaux vétérans de la guerre et qui ont fait affaire à Chicago en travaillant pour la pègre. Comment se sortir de la pauvreté et les armes qu'il faut pour réussir, voilà ce qu'ils représentent à ses yeux. Un idéal qui n'en est pas un, comme lui confiera l'un des deux frères, Smoke. Le film creuse certaines thématique comme le vivre-ensemble et la puissance de la musique, pont entre les époques et lien éternel avec les esprits. Dans une séquence proprement hallucinante, Coogler mélange les époques au son d'une musique entraînante, laissant les corps agir au rythme des notes. Un instant bluffant de maîtrise, plongeant SINNERS dans la comédie musicale avant que le Diable ne s'invite à la fête.
L'utilisation du genre ici est très maline, jonglant entre les nécessaires passages obligés (le monstre dans la nuit) et les volontés étonnantes du démon. C'est complètement flippant (nous sommes dans un espace désert, en pleine nuit, où vous n'avez aucun moyen de vous échapper) et fatalement efficace. On pourrait avoir l'impression que Coogler nous fait un melting-pot hasardeux, mais tout est d'une maîtrise impressionnante. Certes, quelques traits d'humour apparaissent forcés, mais difficile d'en tenir rigueur devant tant de générosité. Il y aussi une mise en évidence de la sexualité qui rejoint l'idée d'une nuit libératrice où les corps peuvent agir et s'exprimer. Puis... l'amour. Peut-être ce qui frappe le plus ici. Les liens entre les personnages se dévoilent au fur et à mesure jusqu'aux cris d'horreur qui montrent toute la souffrance qu'une perte d'un proche peut infliger.
En revanche, j'émets une réserve sur le dénouement. Je trouve qu'il est un peu forcé, même si je pense que Coogler a voulu faire passer un message anti-haine. Petit conseil toutefois, restez bien durant le générique de fin puisque une séquence importante s'y déroule.
Reste que SINNERS m'a impressionné, ne s'excusant jamais d'être ce qu'il est. Peut-être qu'il désarçonnera certains spectateurs, mais c'est aussi ce qu'on demande à un film : bousculer, questionner, débattre. C'est la quintessence même de l'art.
NOTE INDICATIVE : 16 / 20
SINNERS est actuellement disponible dans les salles de cinéma.