Critique de L'HOMME QUI RETRECIT

CRITIQUES

Romain Jankowski

10/22/20253 min read

S'attaquer au monument qu'est L'HOMME QUI RETRECIT (voir mon article ici), c'est une sacrée gageure que le réalisateur Jan Kounen a envisagé d'une manière assez singulière, tout en ne dénaturant pas l'oeuvre originelle.

Une quête

À ceux qui pensaient voir une comédie avec Jean Dujardin peuvent déjà s'éviter l'achat d'un ticket. Le rétrécissement ici n'a rien de comique. Le roman sublime de Richard Matheson était à la fois tragique et profondément poétique, ce que cette version tente d'être. Paul est un homme ordinaire, luttant contre ses propres pensées, désireux de toucher du doigt un idéal qu'il a pourtant sous les yeux. Car au moment où ces questions se posent, le phénomène de rétrécissement bouscule son existence. Ceux qui connaissent l'oeuvre ne seront pas dépaysés. Les autres risquent de se demander où ils ont mis les pieds. L'HOMME QUI RETRECIT parle surtout de métaphysique et de transcendance, nous confrontant à nos peurs de l'existence.

Au-delà du défi technique brillamment relevé (ou quand une cave devient littéralement un décor d'aventures), le film de Jan Kounen suit à la lettre la métaphore de l'existence humaine chère à Matheson. C'est d'ailleurs le fil rouge de son oeuvre : la solitude, la peur et la quête de sens d'un individu souvent ordinaire, placé dans une situation extraordinaire. Paul perd peu à peu le fil, se rendant compte de la beauté des choses une fois qu'il les a perdues. Le temps s'étire, devenant presque une abstraction. Le cinéaste avait assez de matériel entre les mains pour s'éviter une musique bien trop larmoyante (signée Alexandre Desplat) ou une voix-off dictant des phrases existentielles débitées avec un sérieux papal. Dommage, car la simplicité du propos aurait gagné en force sans ce léger excès de pathos.

Petit avec grandeur

Toutefois, cette version 2025 conserve du souffle et nous entraîne visuellement vers une aventure plaisante, qui prend un peu trop de place par rapport à la première partie très intéressante. Comment réagit-on quotidiennement aux centimètres perdus ? Comment vivre avec ce regard de l'autre qui change ? Jan Kounen évite ces questionnements et préfère accélérer son récit. Une décision facile à comprendre au vu du budget (21 millions d'euros tout de même), qui demande à l'ensemble d'être davantage spectaculaire que contemplatif. Poursuite avec un chat, combats contre une araignée,... Tout est là pour en mettre plein la vue. Jean Dujardin performe, un peu trop parfois, mais avec une belle conviction. Il faut un certain talent pour tenir la baraque seul devant la caméra et Dujardin en a. Il aurait pu éviter d'en rajouter un peu dans les grognements, mais sa prestation demeure solide et sincère, entre force et fragilité, portée par une énergie brute qui correspond bien à l'esprit du film.

L'HOMME QUI RETRECIT nous interroge et prend de l'ampleur en reprenant les thèmes de cette histoire passionnante. On est face à une inversion existentielle : la monstruosité dépend du regard de l'autre. Une scène va dans ce sens, lorsque Paul joue dans la maison en jouet de sa fille. C'est simple, mais particulièrement évocateur. Que lui reste-t-il finalement hormis accepter son destin ? C'est lorsqu'il devient un élément infinitésimale de ce monde que sa vie prend tout son sens. Un film qui reste en tête à condition d'y plonger pleinement.

NOTE INDICATIVE : 14 / 20

L'HOMME QUI RETRECIT est actuellement disponible dans les salles de cinéma.