Critique de ELEANOR THE GREAT
CRITIQUES
Romain Jankowski
9/8/20252 min read


Pour son premier film, Scarlett Johansson a décidé de réaliser un film fort, aussi drôle qu’émouvant. Une histoire de résilience, certes, mais surtout de deuil et de gestion du chagrin qui vous emporte indéniablement dans sa deuxième partie.
Magnifique June Squibb
Mais Eleanor est aussi une vieille personne drôle et vive d’esprit. Elle aime plus que tout raconter des histoires et s’avère assez douée pour ça. Alors quand sa meilleure amie, avec laquelle elle vivait depuis onze ans, décède, elle repart chez sa fille et son petit-fils. Là, une nouvelle aventure commence. Plus grave qu’on aurait pu le penser avant de visionner le film, l’histoire parle de la perte d’un être cher et la façon dont on gère émotionnellement cette disparition.
Parce qu’Eleanor a son petit secret : cette histoire qu’elle raconte sur l’Holocauste n’est pas la sienne, mais celle de son amie. Entre mensonge opportun et hommage à sa meilleure amie, Eleanor se retrouve tiraillée, d’autant qu’elle rencontre la jeune Nina, apprentie journaliste qui a perdu sa mère il y a peu. Leur relation se renforce au fil du récit, et cette force qui les anime toutes les deux s’avère aussi touchante que cocasse. Eleanor n’est pas une femme qui a la langue dans sa poche et ses bons mots, débités avec une énergie incroyable par June Squibb, actrice de 95 ans qu’on a notamment vue dans la série GHOST WHISPERER, RENCONTRE AVEC JOE BLACK ou encore NEBRASKA, fusent avec un naturel désarmant. Elle incarne avec une grande force cette dame qui sait toujours quelles histoires raconter pour faire plier l’autre, oscillant constamment entre la tendresse, l’ironie et une forme d’espièglerie qui rend son personnage inoubliable. Face à elle, la jeune Erin Kellyman (qu’on a récemment pu voir dans 28 ANS PLUS TARD) s’en sort également très bien. Leur duo fonctionne à merveille et constitue sans conteste l’une des raisons majeures de la réussite de ce film.
Une première réalisation réussie
Mais pas seulement. En redonnant de la place aux seniors sur grand écran — de plus en plus oubliés par le cinéma — Scarlett Johansson propose ici une œuvre qui fait résonner la mémoire et la transmission. Elle donne la parole à ces personnes qui portent en elles des vies entières, riches de drames, de joies et de souvenirs. Qu’importe si cette histoire est en partie inventée : ce qui compte, c’est l’émotion qu’elle suscite, la vérité intime qui s’en dégage et la puissance du lien humain qui s’y exprime. Le film interroge subtilement ce que signifie "posséder" une histoire et comment elle peut devenir universelle dès lors qu’elle touche à des thèmes collectifs comme la perte, l’amitié ou la survie.
Avec humour, délicatesse et un regard profondément bienveillant, cette œuvre rappelle que les histoires appartiennent à ceux qui les racontent autant qu’à ceux qui les écoutent. Et dans le cas d’Eleanor, cette appropriation devient une manière de prolonger la mémoire de son amie disparue, tout en tissant de nouveaux ponts avec la génération suivante.
NOTE INDICATIVE : 15 / 20
Le film ELEANOR THE GREAT est en compétition au festival de Deauville.
Il sortira dans les salles le 19 novembre prochain.