Critique de 28 ANS PLUS TARD

CRITIQUES

Romain Jankowski

6/23/20253 min read

Danny Boyle, un réalisateur qui a l'art du contrepied. On l'a oublié au fil des années, mais il aime bousculer les choses. Il nous conforte dans un genre, une expérience, puis frappe soudainement les esprits par un esprit taquin, une ligne de conduite qui diffère du plan originel. Dès son premier film, PETITS MEURTRES EN AMIS, c'était déjà le cas. Puis il y eut le film de potes complètement barré et triste (TRAINSPOTTING), le fameux film "populaire" barjo (LA PLAGE avec la méga-star Leonardo DiCaprio), la SF à gros budget contemplative (SUNSHINE), le feel-good movie politique (SLUMDOG MILLIONAIRE), le survival body horror (127 HEURES) ou encore le vrai-faux biopic (fabuleux STEVE JOBS, un film dont on n'a pas assez parlé). Les conventions, très peu pour Boyle.

Effet choc

Bien sûr, 28 JOURS PLUS TARD s'inscrit dans cette liste. Aujourd'hui, on a l'impression que le film n'a rien de transcendant, mais ce n'était pas du tout le cas en 2002. Avec son style si particulier et son malaise diffus, il a trouvé une nouvelle aura durant la période pandémique que nous avons vécue. Sa suite, non mise en scène par Boyle, fut peut-être plus traditionnelle, mais non moins efficace. Toutefois, le retour à cet univers ne pouvait se faire qu'à travers le retour de Boyle à la réalisation et Alex Garland au scénario.

Ecrire la critique de ce film sans dévoiler l'intrigue est une gageure tant 28 ANS PLUS TARD bouscule, dérange, émeut ou rend l'atmosphère qui vous entoure tout à fait irrespirable. Comme on pouvait le dire en 2002, je suis prêt à parier que vous n'avez jamais vu un film d'horreur pareil. Ou de "zombies", même si cette appellation n'a pas vraiment lieu d'être ici (la population est touchée par une forme de rage extrême). Dans le fond, il y a même deux films en un et le premier répond indéniablement à tout ce que les amateurs peuvent attendre de ce genre de long-métrage : tendu, sec, terriblement gore. C'est simple, la respiration est coupée pendant près d'une heure. De bons frissons et un univers magnifiquement ténébreux qui donnent surtout envie de retourner illico derrière les murs sécurisés de la communauté. Même dans ces instants "confortables", Boyle ne fait rien comme les autres : arrêt sur image, flash-forward, effets choc sans concession (la scène d'ouverture, mémorable). Une efficacité redoutable qui prend aux tripes.

Vers le futur

Puis, vient la seconde partie. Celle qui brise l'évidence et nos certitudes. Là, tous les enjeux du film se cristallisent et 28 ANS PLUS TARD de dépasser sa fonction horrifique pure. Il y a du coeur, de l'émotion et le nihilisme de Boyle de s'effondrer devant la pudeur et l'humanité. Impossible de ne pas être bousculé à la fin de la séance, surtout si on rajoute cette scène finale loufoque qui annonce une suite bien différente. Mais au-delà de ça, on a l'impression d'avoir assisté à un film qui laissera probablement son empreinte sur le genre. Toutefois, il semble un peu trop en avance sur son temps, en témoignent les nombreux avis négatifs de spectateurs ayant été désarçonnés par la vision de Boyle. Ceux-ci auront certainement une conséquence sur la suite et l'éventuel troisième volet (qui n'a pas encore obtenu le feu vert). SONY risque de reprendre un peu la main et davantage faire rentrer dans les clous cet univers si particulier. Raison de plus pour apprécier ce geste insensé, cette réinsertion sans concession du duo Boyle - Garland dans le système qui vient de mettre en boîte une suite complètement inattendue.

NOTE INDICATIVE : 14 / 20

28 ANS PLUS TARD est actuellement disponible dans les salles de cinéma.