Boogie Nights, la fièvre des 70s par Paul Thomas Anderson
PAUL THOMAS ANDERSON
Romain Jankowski
9/11/20252 min read


Deuxième long-métrage de Paul Thomas Anderson après DOUBLE MISE, BOOGIE NIGHTS est plus qu’une fresque sur l’industrie du porno : c’est un portrait de l’Amérique des années 70 et du basculement vers les 80s, quand la fête insouciante laisse place à la paranoïa, à la drogue et au sida.
Tensions sur le plateau
En 1977, Eddie Adams est plongeur dans une boîte de nuit de San Fernando Valley, banlieue de Los Angeles. Entre un père effacé et une mère hystérique qui l’accuse de n’être qu’un raté, le jeune homme rêve d’échapper à sa vie morose. Sa rencontre avec Jack Horner, réalisateur de films pornographiques, va bouleverser son destin. Eddie devient Dirk Diggler, nouvelle star montante de l’industrie X, à une époque où le sexe se vit librement, sans peur, et où la jouissance devient un commerce.
Pour incarner Dirk Diggler, Paul Thomas Anderson souhaitait Leonardo DiCaprio. Mais l’acteur préféra embarquer sur le paquebot de James Cameron dans TITANIC. Ce n'est que partie remise puisqu'ils se retrouveront près de 30 ans plus tard avec UNE BATAILLE APRES L'AUTRE. Avant de quitter le projet, Leo recommanda à Anderson un certain Mark Wahlberg, encore loin de sa gloire actuelle, mais qui allait signer ici l'une de ses meilleures prestations. Le reste du casting aligne des figures prestigieuses : Julianne Moore en actrice maternelle et brisée, Philip Seymour Hoffman en technicien introverti, William H. Macy en mari désespéré, Don Cheadle en vendeur de matériel hi-fi rêveur, et bien sûr Burt Reynolds, dans l’un de ses derniers grands rôles, qui lui valut une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle.
Toutefois, le tournage fut marqué par de vives tensions entre Paul Thomas Anderson et Burt Reynolds, au point que les deux hommes faillirent en venir aux mains à plusieurs reprises. L’acteur, habitué à une certaine liberté, supportait mal que le jeune réalisateur lui interdise toute improvisation, contrairement à d’autres membres du casting comme Julianne Moore ou William H. Macy. Cette méfiance fut à l’origine de plusieurs accrochages. La rumeur veut même qu’après avoir découvert le film, Reynolds ait sérieusement envisagé de congédier son agent, persuadé que ce rôle était une erreur de carrière. Ironie du sort : ce personnage lui valut un Golden Globe et une nomination aux Oscars. Malgré cette reconnaissance tardive, Reynolds n’a jamais caché qu’il n’avait aucune affinité avec Anderson, préférant rester discret sur la véritable valeur du film.
« Je fais des films pour adultes… exotiques. »
Avec une mise en scène flamboyante, Anderson multiplie les plans-séquences virtuoses (le travelling d’ouverture dans la discothèque, la fête filmée en un seul mouvement de caméra) et livre une chronique sociale, drôle et tragique à la fois.La force du film tient dans son énergie débridée, son humour parfois cruel, mais surtout dans sa lucidité : derrière les paillettes et les excès, il filme des êtres en quête d’amour, de reconnaissance et de famille de substitution. BOOGIE NIGHTS est ainsi un grand film sur la chute des illusions, mais aussi une déclaration d’amour au cinéma lui-même, même sous sa forme la plus marginale.
Sorti en 1997, le film fut acclamé par la critique et valut à Anderson sa place parmi les grands cinéastes américains contemporains. Il va poursuivre sa carrière avec une production d'une autre envergure avec la méga star Tom Cruise en tête d'affiche : MAGNOLIA.