Angel-A, Besson face à ses obsessions

Rétrospective sur la carrière de Luc Besson

RÉTRO LUC BESSON

Romain Jankowski

7/28/20253 min read

Comment poursuive sa carrière quand on vient de passer une décennie à ce niveau de popularité ? Luc Besson a besoin d'une pause après son grandiloquent JEANNE D'ARC et veut prouver qu'il n'est pas qu'un cinéaste de films spectaculaire. Six ans après son épopée historique, il revient alors avec ANGEL-A, un film aussi personnel que bancal.

Besson, le conteur

Entre 1999 et 2005, le cinéaste ne s'est pas tourné les pouces. Il a beaucoup écrit. Il a notamment poursuivi le succès de sa saga TAXI avec deux opus qui ont explosé le box-office, lancé une autre franchise avec LE TRANSPORTEUR, roulait des mécaniques avec MICHEL VAILLANT, tout en enchaînant les scénarios tenant sur un timbre-poste mais avec beaucoup d'action (BANLIEUE 13, DANNY THE DOG, YAMAKASI). Lorsqu'il annonce son retour derrière la caméra, il prend son public à contrepied. Besson revient à la réalisation avec un projet presque secret, à petit budget, tourné en quelques semaines. ANGEL-A étonne par son minimalisme : peu de personnages, peu de décors, mais une ambition philosophique affichée, presque naïve. Le film joue sur une tension constante entre l’intime et le symbolique, entre les dialogues introspectifs et la grandeur de Paris, filmée comme un désert émotionnel. Tourné en noir et blanc dans un Paris vidé de son tumulte, ce conte métaphysique à la morale de fable moderne oppose deux figures : un petit escroc à la dérive (Jamel Debbouze) et une femme tombée du ciel (Rie Rasmussen) dont la nature divine se révèle peu à peu.

Des idées et de... l'ennui

Dans une interview donnée à l’époque, Besson disait vouloir « parler du pardon de soi-même, de l’amour vrai, celui qui commence par l’acceptation de ce que l’on est. » Une déclaration qui reflète bien l’intention du cinéaste, mais aussi ses limites : le film parle beaucoup, parfois trop, sans que le fond n’atteigne toujours la profondeur recherchée. En somme, difficile de ne pas s'ennuyer devant ce défilement d'images qui donne l'impression que le cinéaste se regarde filmer, fasciné par la beauté de ses propres plans. Il remplit son cadre d'images évidentes et naïves, comme si cette histoire ne pouvait s'établir en dehors d'un champ extrêmement limité. Ce qui aurait pu être un joli conte moral tourne parfois à la démonstration laborieuse. Le film se veut lumineux, mais reste enfermé dans sa propre bulle.

La photo de Thierry Arbogast est néanmoins soignée, la BO d'Eric Serra n'est pas la plus mémorable de sa carrière mais tient la route, l'image d'une ville de Paris silencieuse fait son effet. Malheureusement ANGEL-A n'est jamais passionnant, plombé aussi par un duo d'acteurs qui ne convainc guère. Le choix de Jamel Debbouze intrigue. Moins dans le registre comique qu’à l’accoutumée, l’acteur tente une composition plus sobre, parfois touchante, parfois maladroite, mais qui ne parvient jamais à nous transporter. Face à lui, la pauvre Rie Rasmussen, mannequin avant d'être actrice, incarne une figure féminine sortie de la mythologie "bessonienne". La rigidité de son jeu et son phrasé mécanique desservent totalement le personnage. Leurs échanges flirtent avec le théâtre filmé et aucune alchimie n'est présente entre eux. Besson voulait toucher, mais il n'est franchement pas doué pour aller chercher une quelconque émotion à l'écran.

ANGEL-A est donc un film que Besson regarde autant qu’il s’y regarde. Il y parle d’un homme perdu, d’un besoin d’aimer, de se racheter, de renaître. En l'état, c'est loin d'être une grande réussite... C'est surtout une tentative de s'orienter vers un cinéma plus resserré, mais souvent trop autocentré. Produit pour 1 million d'euros, le long-métrage sera néanmoins rentable (842 775 entrées en France, plutôt pas mal) et relancera le cinéaste dans son entreprise de repousser ses propres limites. Il ira mélanger l'animation 3D avec le film live pour sa trilogie ARTHUR.