Tir Groupé, le polar sec de Jean-Claude Missiaen
HISTOIRE DU CINÉMA
Romain Jankowski
12/6/20252 min read


Sorti en 1982, Tir groupé fait partie de ces polars français qui n’ont jamais vraiment trouvé leur place dans l’histoire du cinéma, coincés entre les derniers feux du grand polar des années 70 et l’arrivée du « cinéma du look » qui allait bientôt redéfinir la décennie. Pourtant, le film de Jean-Claude Missiaen mérite d’être réexaminé tant il capte, avec précision le climat social et cinématographique du début des années 80.
Un héros ordinaire pris dans une mécanique implacable
Le récit suit la trajectoire d’un homme sans histoire, témoin d’une agression urbaine, qui se retrouve malgré lui entraîné dans un engrenage violent. Ce personnage, ni flic ni voyou, sert de point d’ancrage à un film qui préfère l’humain au spectaculaire. L’écriture s’attache à montrer comment un individu lambda peut être broyé lorsqu’il se trouve au mauvais endroit au mauvais moment. La mise en scène, sans excès ni démonstration, avance au rythme d’une fatalité presque quotidienne. Le polar n’est pas stylisé, il est au contraire ancré dans un réalisme gris, celui d’une ville où la violence n’a rien de mythologique. C'est ce que le cinéma français vise sous l'ère Mitterand avec une flopée de métrages qui seront dans le même esprit.
Ce qui distingue Tir groupé, c’est sa sécheresse. Chaque scène semble aller droit au but, comme si le film refusait d’offrir au spectateur le moindre répit. Cette efficacité formelle crée une tension constante, une impression de menace latente qui ne se dissipe jamais vraiment. Il y a ce casting aussi, imposant et brut : Gérard Lanvin, dans la meilleure période de sa carrière, impose son charisme brut à l'instar d'un Michel Constantin toujours aussi impressionnant. Un casting de "gueules" dans lequel on peut citer aussi Mario David, Dominique Pinon ou Roland Blanche.
Une œuvre mineure ? Plutôt un film oublié
Aujourd’hui, Tir groupé apparaît comme un maillon intéressant : un polar modéré, sincère, tendu, qui témoigne d’une époque où le cinéma français savait encore produire des œuvres intermédiaires, ni blockbusters ni films d’auteur, mais profondément ancrées dans le réel. Pourtant, le film paraît oublié, perdu dans les limbes d'une décennie qui aura vu une audace nouvelle naître chez les producteurs français. D'autant que Tir groupé ne fut pas un bide lors de sa sortie avec 1,344 million, mais il n'a guère connu de grande postérité. Quarante ans plus tard, Tir groupé doit être revu pour ce qu’il est réellement : un film modeste, solide, humain.
