The Indian Runner, quand Sean Penn est passé derrière la caméra

ANALYSES

Romain Jankowski

6/6/20252 min read

En 1991, alors que sa carrière d’acteur bat son plein, Sean Penn franchit un cap et passe derrière la caméra pour signer son premier long-métrage : THE INDIAN RUNNER. Un film âpre et intense qui dit déjà tout de cette rage qui anime son cinéma. Inspiré librement de la chanson Highway Patrolmande Bruce Springsteen, ce drame familial plonge au cœur de l’Amérique rurale des années 1960.

Une histoire de frères

Au centre du récit : Joe (interprété par David Morse), un shérif calme et réservé, et son frère Frank (Viggo Mortensen), tout juste revenu du Vietnam, errant, violent, et incapable de s'adapter à la société civile. Le film explore la fracture intime entre deux frères que tout oppose, sinon ce lien familial invisible mais tenace. Joe incarne l'ordre, la stabilité, la résilience. Frank, lui, est l'incarnation d'une colère sourde, d’un mal-être post-traumatique, d'une Amérique en perte de repères.

La révélation Mortensen

Si David Morse livre une performance solide, c’est bien Viggo Mortensen qui crève l’écran. Lorsque Sean Penn cherche l’acteur idéal pour incarner le rôle difficile de Frank Roberts, le frère rebelle et instable, il a été immédiatement impressionné par Viggo Mortensen. À l’époque, ce dernier n’était pas encore la vedette qu'il est devenue avec son incarnation d'Aragorn et n’avait joué que quelques rôles secondaires.

Pendant le tournage, Mortensen n'est pas là pour rigoler et prend son rôle très au sérieux. Tellement qu'il reste Frank même en dehors des prises. Toutefois, il y a un autre aspect de sa personnalité qui transparaît et qui offre au personnage une drôle d'ambivalence : son empathie naturelle. "Viggo est, par nature, un personnage très poétique : c'est un poète et un peintre" expliquera Penn dans un article de PREMIER MAGAZINE lors de la sortie du film en 1991. Poursuivant : "Mais j'ai découvert que lorsqu'il était photographié de la tête aux pieds, une partie du danger de Frank s'évaporait : la gentillesse inhérente de Viggo s'est montrée dans une sorte de mouvement qu'on peut qualifier de langoureux. Il a beaucoup travaillé sur la physicalité pour littéralement hanté le cadre.".

Cette performance brute et authentique a marqué un tournant pour Mortensen. Bien que le film n’ait pas rencontré un succès commercial massif, il a révélé au monde un acteur d’exception — et Sean Penn n’a jamais regretté son choix, comme il l'avouera dans l'ouvrage de Richard T.Kelly qui lui est dédié. "Quand vous voyez la scène du bar, vous avez tout compris. Ce mec entre et pète littéralement les plombs avec une puissance effrayante. Viggo est un très grand.". Alors encore inconnu du grand public, l’acteur impressionne dans un film qui s'attache à montrer une certaine mélancolie, comme celle de Charles Bronson, magnifique en Mr.Roberts, un homme qui perd son épouse. Le parallèle avec sa propre vie est parfaitement trouble puisqu'il est lui aussi devenu veuf après le décès de sa femme Jill Ireland.

Une sortie confidentielle

THE INDIAN RUNNER n’a pas rencontré un grand succès à sa sortie, mais il est depuis devenu une œuvre culte pour beaucoup de cinéphiles, notamment ceux qui se sont penchés sur la carrière de Mortensen pré-Aragorn. D'ailleurs, on peut s'interroger : n'est-ce pas là le meilleur film jamais réalisé par Penn ?