The Grand Budapest Hotel, le sommet de Wes Anderson
ANALYSES
Romain Jankowski
8/3/20252 min read


En 2014, Wes Anderson offrait à la cinéphilie un joyau rare, une œuvre d’orfèvre aussi burlesque que mélancolique : The Grand Budapest Hotel. Film-somme dans sa carrière, cette comédie dramatique aux allures de conte loufoque s’impose comme un hommage vibrant à une Mitteleuropa disparue, à l’élégance décadente d’un monde englouti.
L’invention d’un monde miniature
Comme souvent chez Anderson, tout commence par une maquette. Une façade en carton-pâte, une symétrie millimétrée… et l’univers se déploie. L’hôtel éponyme devient le théâtre d’un grand récit : une histoire dans une histoire dans une histoire. On y suit Gustave H. (formidable Ralph Fiennes), concierge maniéré et cultivé, qui voit sa routine s’effondrer à la mort d’une riche cliente (Tilda Swinton grimée à l’extrême). S’en suivent un vol de tableau, une évasion rocambolesque et une cavale à travers la république fictive de Zubrowka, sur fond de montée du fascisme.
La mécanique Andersonienne à son sommet
Tout est calibré : les cadres sont d’une précision chirurgicale, les décors saturés de couleurs pastel, les mouvements de caméra en ligne droite ou à 90°, la narration chapitrée. Chez Anderson, la forme est le fond. Il atteint ici son apogée en terme de style et même les réfractaires à son univers cinématographique si particulier peuvent apprécier.Le casting – comme souvent pléthorique – est un ballet de visages familiers : Willem Dafoe en tueur sadique, Adrien Brody en héritier menaçant, F. Murray Abraham en narrateur vieilli, sans oublier les habitués Bill Murray, Edward Norton, Jason Schwartzman. Tous gravitent autour d’un Ralph Fiennes impérial, qui incarne la poésie et l’absurde d’un monde bientôt balayé.
Derrière la farce élégante, Anderson touche à quelque chose de plus grave. Le film s’inspire de l’univers de Stefan Zweig, écrivain autrichien témoin de l’effondrement de l’Europe centrale. Le luxe suranné de l’hôtel masque l’ombre du totalitarisme naissant. THE GRAND BUDAPEST HOTEL n’est pas seulement une fantaisie visuelle, c'est un mélodrame qui regarde un ancien monde s'effondrer.
Un succès artistique et critique
Avec plus de 170 millions de dollars de recettes dans le monde (pour un budget d’environ 25 millions), le film est le plus gros succès commercial de Wes Anderson, et de loin. Il remportera 4 Oscars (dont Meilleure musique, Meilleurs décors, Meilleurs costumes) et consolide le statut de son auteur comme l’un des cinéastes les plus singuliers et respectés de sa génération.