Subway, le film qui a fait basculer la carrière de Besson

Rétrospective sur la carrière de Luc Besson

RÉTRO LUC BESSON

Romain Jankowski

7/14/20253 min read

Après le minimaliste et quasi muet LE DERNIER COMBAT, Luc Besson signe avec SUBWAY un deuxième long-métrage à l'univers une fois de plus bien affirmé. Visuellement flamboyant, musicalement audacieux, narrativement libre, le film s’impose comme un ovni pop dans le paysage du cinéma français des années 80. C’est aussi le film qui va propulser Besson dans la lumière, aux côtés d’un certain Christopher Lambert.

Une cavale dans les entrailles de la ville

Après avoir dérobé des documents compromettants, un homme se réfugié dans l'univers fascinant et agité du métro parisien. Une impitoyable chasse à l'homme s'organise au cours de laquelle d'étranges liens se tissent entre le cambrioleur et sa victime. Le grand tour de force de Besson, c’est de transformer le métro parisien — lieu banal et quotidien — en espace onirique, presque irréel. Tourné en décors réels mais retravaillés visuellement, le métro devient ici un décor d’un autre monde, hors du temps. C’est un lieu de fuite, d’errance. Besson a l'idée de SUBWAY dès 1978, alors qu'il se trouve sur un quai de la RATP. "J’ai vu une porte entrouverte, marquée “interdit au public”. Je me glisse à l’intérieur et je découvre un autre monde, bien plus vaste que la zone des usagers. Des stations désertes inconnues, des pièces donnant sur des voies, au milieu des tunnels. Des coursives où l’on peut voir des maisons en carton. Il y a de la vie sous terre." La lumière bleutée, les néons crasseux, les fumées, les souterrains infinis… tout concourt à donner au film un aspect graphique et musical assez fort. Bien sûr, en 2025, on peut se dire que l'ensemble a assez mal vieilli, plusieurs éléments sombrant dans le kitsch (notamment les costumes) ou l'absurde. Mais il y a ici de belles intentions et, si on se remet dans la peau du spectateur de l'époque, une intention de bousculer un cinéma français qui se repose sur ses lauriers. Il faut bien saisir ce que Besson a changé dans le paysage audiovisuel hexagonal, relançant une certaine ambition esthétique qui tranche avec son époque.

Une bande-son qui marque

Impossible de parler de SUBWAY sans évoquer la musique d’Éric Serra. La bande-son, entre jazz électrique, nappes synthétiques et pulsations 80s, joue un rôle fondamental dans l’identité du film. Le morceau principal, interprété par Serra lui-même au clavier et par Jean Reno à la batterie (!), devient le cœur rythmique du film, et incarne ce besoin d’expression des personnages, enfermés dans un monde souterrain qui n’écoute plus personne. La musique agit ici comme un cri, un élan vital, un contrepoint à la froideur du béton et à la mélancolie des protagonistes. Christophe Lambert (alors en pleine ascension), Isabell Adjani, Richard Bohringer, Jean-Hugues Anglade, Jean Bouise, Jean Reno, Michel Galabru... Un casting solide qui permet une certaine identification au public. Besson ne se la joue pas à l'américaine et ancre son récit en France, ce qui inclut toute une culture.

Le fer de lance

Dire que j'ai pris du plaisir devant SUBWAY serait vous mentir, chers lecteurs. Je préfère le minimalisme du DERNIER COMBAT, mais le film exerce toujours une certaine fascination. Il fallait une certaine dose de courage pour mettre en images un tel récit et il en fallait aussi à Gaumont pour y croire et le financer. Ce fut un risque payant puisqu'il a attiré 2,920 millions de spectateurs lors de sa sortie en avril 1985. Besson n'est désormais plus le rookie à suivre, mais celui qu'on attend au tournant pour sa prochaine oeuvre. Un troisième opus où il n'aura pas le droit à l'erreur. Un troisième opus qui va définitivement le consacrer. Un troisième opus qui se nommera LE GRAND BLEU.