Phantom Thread, la romance vénéneuse de Paul Thomas Anderson
PAUL THOMAS ANDERSON
Romain Jankowski
9/28/20252 min read


En 2017, Paul Thomas Anderson livre avec PHANTOM THREAD un film d’une précision redoutable, aussi élégant que dérangeant. Porté par une interprétation magistrale de Daniel Day-Lewis — dans ce qui reste son ultime rôle, pour le moment —, ce drame feutré explore les jeux de pouvoir et les pulsions cachées sous la dentelle d’un monde raffiné.
Le couturier et sa muse
Dans le Londres des années 1950, Reynolds Woodcock, couturier renommé, règne sur la haute société britannique. Cérébral, maniaque, habité par une quête obsessionnelle de perfection, il voit son quotidien millimétré bouleversé par l’arrivée d’Alma (Vicky Krieps), une jeune femme au caractère aussi doux qu’imprévisible. Ce qui commence comme une romance classique se transforme peu à peu en duel intime, entre fascination, domination et dépendance.
Le phénomène Daniel Day-Lewis
Pour ce rôle, Daniel Day-Lewis livre une autre performance d’une intensité rare. L’acteur, connu pour son immense rigueur dans la préparation de ses rôles (adepte de la fameuse Méthode), incarne Reynolds avec une incroyable densité : gestes mesurés, diction aristocratique, regards tranchants. Il incarne à la fois l’autorité et la fragilité de ce génie hanté par ses obsessions. Derrière l’apparente froideur du couturier se cache une complexité fascinante : un homme en lutte contre tout ce qui menace l’ordre qu’il s’est construit. Pour être le plus crédible possible, Day-Lewis a appris la couture auprès de véritables artisans, cousant lui-même plusieurs costumes utilisés dans le film.
Paul Thomas Anderson utilise son acteur avec beaucoup de soin, signant ici son film le plus formellement épuré. Caméra fluide, lumière naturelle, décors feutrés : tout concourt à créer une atmosphère quasi hypnotique. Le réalisateur délaisse certains de ses excès et la grandiloquence pour une approche délicate. La bande originale de Jonny Greenwood (Radiohead) enveloppe l’ensemble, accentuant la tension silencieuse entre les personnages.
Amour et contrôle
PHANTOM THREAD est avant tout une histoire d’amour atypique, où l’attirance se mêle au pouvoir et à la manipulation. Alma refuse de se plier totalement aux règles de Reynolds : elle le confronte, le désarme, et finit par inverser subtilement les rôles. Leur relation devient un jeu pervers, un équilibre fragile entre domination et abandon — comme si le véritable lien amoureux ne pouvait naître que dans la vulnérabilité partagée.
Une fois de plus, malgré des critiques élogieuses, Paul Thomas Anderson connaîtra une nouvelle déconvenue au box-office. PHANTOM THREAD a coûté 35 millions de dollars et n'en rapportera que 47 millions dans le monde entier.