Nikita, l'élégance brutale du style Besson
Rétrospective sur les films de Luc Besson
RÉTRO LUC BESSON
Romain Jankowski
7/20/20252 min read


L'après LE GRAND BLEU était forcément périlleux pour Luc Besson. Comment enchaîner après un tel carton public où vous avez été propulsé d'un seul coup nouvelle figure de proue du cinéma français ? En allant chercher un autre genre. L'électrisant NIKITA, thriller mêlant action, romance et mélancolie, va permettre au cinéaste de s'imposer dans l'action. Avec des moyens considérables à disposition.
Une junkie devenue arme fatale
L’histoire débute comme un drame urbain. Nikita, jeune délinquante paumée et violente, tue un policier lors d’un braquage qui tourne mal. Au lieu d’être condamnée à mort, elle est recrutée par une mystérieuse cellule gouvernementale qui va faire d’elle une tueuse professionnelle. Entre formation impitoyable, transformation physique et reconquête de son humanité, le film trace le portrait d’une femme en pleine mutation. Si NIKITA adopte les codes du film d’action — entraînements, missions, coups de feu — il s’en éloigne vite pour explorer une dimension plus intime et tragique. Car Nikita, malgré son nouveau rôle d’assassin, cherche à redevenir une femme libre. Elle aime, doute, vacille. La violence n’est jamais gratuite, elle est subie. Luc Besson injecte ainsi une humanité rare dans un genre souvent mécanique.
Magnifique Anne Parillaud
Cadres stylisés, lumière froide, ralentis chorégraphies, Besson enchaîne les effets avec Thierry Arbogast à la photo. Les deux hommes vont façonné d'une certaine idée du thriller à la françaises dans les 90s puisqu'ils enchaîneront ensemble sur LEON et Arbogast s'occupera des RIVIERES POURPRES de Mathieu Kassovitz. Ce style, identifiable et identifié, va plaire et permettre à Besson de toucher une fois de plus les spectateurs. Il peut également s'appuyer sur le fidèle Eric Serra qui livre encore une partition particulièrement aboutie avec ses élans électroniques mêlés à une certaine forme de mélancolie.
Mais NIKITA, c'est aussi le rôle d’une vie pour Anne Parillaud. À la fois vulnérable et redoutable, solaire et brisée, elle incarne avec justesse ce personnage complexe, presque schizophrène. Sa métamorphose à l’écran est saisissante. Son regard, souvent perdu ou incandescent, résume à lui seul tout le dilemme du film : comment rester soi quand on devient une machine ? Elle a face à elle un acteur de premier choix en la personne de Tchéky Karyo. Ce dernier incarne Bob, l’agent chargé de transformer Nikita en tueuse d’élite. Impassible, glacial mais curieusement paternel, il impose une présence magnétique. Son jeu tout en retenue renforce la tension du film, tout en créant un lien ambigu avec l’héroïne. Ni bourreau, ni sauveur, Bob devient une figure quasi mythologique dans l’univers de Besson : celle de l’homme de l’ombre, chargé de déshumaniser sans jamais cesser d’observer.
Un nouveau succès
L'influence du film sera indéniable et marquera à son tour le cinéma français, d'une façon différente du GRAND BLEU. Nikita est restée une icône et peut-être l'un des meilleurs personnages jamais imaginés par le cinéaste. Ce fut un gros succès public avec 3,787 millions d'entrées et le film d'être également nommé neuf fois aux César pour une seule récompense, bien méritée : celle de la meilleur actrice pour Anne Parillaud. Besson repartira ensuite sur les mers avec ATLANTIS pour lequel il va partager sa passion des océans.