Lost Highway, voyage aux confins de la réalité

RÉTROSPECTIVE DAVID LYNCH

Romain Jankowski

1/22/20252 min read

Après SAILOR ET LULA, c’est encore le romancier Barry Gifford qui va déclencher une vague d’inspiration à David Lynch. C’est en lisant son roman NIGHT PEOPLE qu’une idée lui vient, et ce, à la suite d’une lecture de deux mots : LOST HIGHWAY.

L’inspiration de Lynch

Lors du dernier soir de tournage du film TWIN PEAKS, il reçoit une révélation : et si un couple en crise découvrait un beau matin une cassette vidéo les envoyant dans une histoire parallèle aux confins de la folie et du surnaturel ? Un point de départ, alimenté par son quotidien et une affaire qui défraie la chronique, celle de l’accusation du footballeur O.J Simpson d’avoir tué son ex-femme et le petit-ami de celle-ci. La collision entre les différentes versions des faits présumés fascine le cinéaste. Il y a encore cette obsession du regard, du point de vue. Lynch se penche également sur l’esprit humain et sa faculté à modifier la réalité. Après un travail important d’écriture, LOST HIGHWAY devient une sorte de bad trip qui s’inspire du film noir classique tout en y associant les dérives d’un trouble mental. Tout un programme.

Pullman et Arquette au casting

Le script est alambiqué et regorge de différents niveaux de lecture. L’un de ses voisins et amis tiendra le rôle principal : Bill Pullman. L’acteur navigue entre tous les genres et paraît parfait aux yeux de Lynch pour incarner Fred Madison. Pour le rôle de l’épouse, c’est Patricia Arquette qui sera choisie, l’actrice étant par la même occasion une grande fan du cinéaste. Toutefois, le tournage s’avérera difficile pour elle à cause des scènes de nudité qui met à mal sa pudeur naturelle. Elle admettra néanmoins que le cinéaste fut très patient et rassurant envers elle, l’aidant à se sentir à l’aise malgré le contexte. Côté finance, si SAILOR ET LULA ne fut pas un grand succès au box-office, il a connu de bons retours critiques et une Palme d’Or. C’est d’ailleurs une société française qui va aider Lynch à monter LOST HIGHWAY, City 2000, est une société de production cinématographique française, fondée en 1990 par Francis Bouygues. Celle-ci est spécialisée dans la production de films d’auteur à vocation internationale.

Un échec conséquent

La première partie du film s’avère être une plongée dans le quotidien, très efficace, où la tension naît du simple regard posé par le cinéaste sur des objets et des pratiques quotidiennes d’une grande banalité. La seconde partie est beaucoup plus tortueuse. Les métaphores s’enchaînent, les dérives visuelles aussi, le tout sur une BO heavy metal lancée à toute allure. La fin est restée dans toutes les mémoires et remet l’ensemble du film en perspective, laissant les spectateurs dans une boucle de questionnements qui ne trouvera pas de réponses. Là est le but du réalisateur, nous perdre aux confins de la vérité et des réalités. Quitte à prendre le risque de perdre à peu près tout le monde… Le rejet est massif : 11 millions de dollars de recettes pour 15 millions de budget. Même les français ne sauvent pas le cinéaste cette fois : seulement 382 934 entrées. Ce n’est que plus tard qu’une nouvelle génération de cinéphiles va se l’approprier et redorer son blason.