L'insoutenable légèreté de l'être, l'adaptation puissante de Philip Kaufman
DOSSIERS
Romain Jankowski
10/18/20252 min read


Il y a des films qui résument à eux seuls une époque et une idée. L'INSOUTENABLE LEGERETE DE L'ETRE, réalisé par Philip Kaufman en 1988 d’après le roman culte de Milan Kundera, fait partie de ceux-là. Entre érotisme, politique et philosophie, le film explore les liens indéfectibles entre désir et liberté sur fond de Printemps de Prague. Trente-sept ans plus tard, il conserve la même intensité : une œuvre rare, sensuelle et grave.
Tomas, Tereza, Sabina : triangle à haute tension
Tomas, chirurgien brillant et séducteur impénitent, vit au rythme de ses conquêtes. Sabina, artiste libre et indépendante, incarne son double féminin : l’amour sans attaches. Et puis surgit Tereza, jeune serveuse candide, éprise d’absolu, qui bouleverse tout. Dans la Tchécoslovaquie des années 60, leur trio vit au gré des bouleversements politiques. Le Printemps de Prague, puis l’invasion soviétique, vont les percuter de plein fouet. L’amour, le sexe, la fidélité et la liberté se redéfinissent alors au milieu du chaos.
Adapter Milan Kundera était un pari fou. Son roman, publié en 1984, est un labyrinthe d’idées, de réflexions existentielles et de digressions philosophiques. Plutôt que d’en faire une dissertation filmée, Philip Kaufman et le scénariste Jean-Claude Carrière ont choisi la chair, la lumière, le souffle. C'est un film assez dense qui montre aussi quel cinéaste était Kaufman. Son oeuvre reste encore dans l'ombre alors qu'elle recèle de nombreux trésors comme cette adaptation ou l'incroyable L'ETOFFE DES HEROS.
Ici, il profite aussi d'un excellent casting. Daniel Day-Lewis, magnétique, campe un Tomas tourmenté entre l’appel du plaisir et la peur de l’engagement. Juliette Binoche, bouleversante de candeur, incarne la pureté blessée. Lena Olin, fascinante, dont la carrière va vraiment décoller après ce film. Le tout sublimé par la photographie du légendaire Sven Nykvist, chef opérateur fétiche d’Ingmar Bergman.
Un film à la beauté fiévreuse
Sorti en 1988, le film a immédiatement marqué la critique. Nomination à l’Oscar de la meilleure photographie, prix du meilleur film décerné par la National Society of Film Critics, et un accueil triomphal en Europe.
Les images du Printemps de Prague, tournées avec un mélange d’archives et de reconstitutions, restent d’une puissance saisissante. Certes, Milan Kundera reniera l’adaptation, jugeant que le cinéma avait trahi l’esprit du livre (il faut aussi souligner qu'en l'état, le roman était quasiment inadaptable). Toutefois, l'angle choisi par Kaufman a tout de même plu au public, et notamment en France où il a attiré 1,264 million de spectateurs.