Le Sicilien, Michael Cimino adapte Mario Puzi
DOSSIERS
Romain Jankowski
8/21/20252 min read


En 1987, Michael Cimino, réalisateur oscarisé pour VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER et tristement célèbre pour l’échec monumental de LA PORTE DU PARADIS, revient derrière la caméra avec un projet aussi ambitieux que sulfureux : adapter LE SICILIEN, roman de Mario Puzo, l’auteur du PARRAIN.
Une figure contestée
Le film raconte la vie romancée de Salvatore Giuliano, bandit et figure populaire de la Sicile d’après-guerre, incarné à l’écran par Christopher Lambert. Le comédien français, alors en pleine gloire après GREYSTOKE et HIGHLANDER se glisse dans la peau de ce hors-la-loi charismatique qui défiait à la fois l’État italien et la mafia, au nom d’une justice idéalisée. Cimino oublie la figure controversée de cet homme afin d'ériger davantage une légende, non pas dans l'objectif de célébrer le personnage, mais plutôt son art.
Derrière la caméra, Cimino retrouve son goût pour les fresques démesurées, mais se heurte rapidement à des contraintes budgétaires, des tensions avec les producteurs et une durée de film réduite par la Paramount. À croire que sa vision du cinéma n'est jamais raccord avec les autres... Là où il rêvait d’un grand opéra politique et épique, le montage final s’avère tronqué, amputant selon certains critiques la portée de son récit. Le cinéaste désirait sortir sa version de 3h30, mais le studio derrière le projet, la FOX, a exigé de grandes coupes en réduisant le métrage à moins de deux heures. Cimino n'est clairement pas en position de force, en souvenir de LA PORTE DU PARADIS, mais également L'ANNEE DU DRAGON qui fut un échec en 1985. Il doit alors se soumettre à l'autorité des financiers tout en provoquant la colère de Mario Puzi qui pointe du doigt le manque de fidélité à son roman d'origine.
Nouvel échec
Malgré tout, LE SICILIEN conserve une force visuelle impressionnante. Les paysages arides de Sicile deviennent le théâtre d’une lutte entre liberté et fatalité, tandis que Cimino filme Lambert comme une figure presque mythologique, à la frontière du héros et du martyr. Le comédien est d'ailleurs dans son élément ici, jouant une forme d'outrance qui lui sied parfaitement, doté de ce charisme si particulier qui a fait une partie de sa renommée. Pour la petite histoire, Lambert fut imposé par les producteurs parce que son nom était bankable à l'époque. Cimino, lui, avait un autre jeune comédien en tête : un certain Daniel Day-Lewis.
Une fois de plus, Cimino connut l'échec avec son film. Toutefois, LE SICILIEN reste aujourd’hui un objet de fascination, tant pour les cinéphiles curieux de l’œuvre de Cimino que pour les amateurs de grandes tragédies inachevées. Certains voient dans LE SICILIEN un chaînon manquant entre le souffle romanesque du PARRAIN et les obsessions crépusculaires du cinéaste. En somme, LE SICILIEN n’a jamais trouvé sa juste place, prisonnier d’un montage contesté et d’attentes impossibles à satisfaire. Mais il témoigne une nouvelle fois de la volonté farouche de Cimino de confronter l’individu à des forces plus grandes que lui, quitte à s’y brûler les ailes.