Le grand pardon, la saga familiale d'Alexandre Arcady
DOSSIERS
Romain Jankowski
8/11/20253 min read


Sorti en 1982, LE GRAND PARDON d'Alexandre Arcady s’inscrit dans cette vague de cinéma français des années 80 qui n’hésitait pas à lorgner vers les codes du polar américain. Avec son histoire de règlements de comptes, de trahisons familiales et de banditisme, le film a souvent été comparé au PARRAIN - comparaison assumée par Arcady lui-même, qui voyait là l’occasion de transposer l’épopée mafieuse dans un contexte franco-juif pied-noir.
Une histoire familiale
L’intrigue suit Raymond Bettoun (Roger Hanin), chef de clan aussi charismatique que redoutable, tentant de maintenir l’unité et l’honneur de sa famille face à des tensions internes et aux appétits de ses ennemis. Entre Marseille, Paris et Miami, Arcady déroule un récit où la loyauté se mesure au calibre d’un revolver, et où les repas de famille peuvent très vite virer au carnage.
L’un des atouts du film réside dans son casting. Roger Hanin, qui restera dans les mémoires françaises plus tard pour son rôle de Navarro à la télévision, porte le film sur ses épaules.LE GRAND PARDON marque d'ailleurs la première vraie collaboration entre Alexandre Arcady et Roger Hanin. Les deux hommes se retrouveront par la suite sur quatre autres projets : LE GRAND CARNAVAL, DERNIER ETE A TANGER, L'UNION SACREE puis LE GRAND PARDON 2. Il existait entre eux une complicité forte, fondée sur la confiance mutuelle. Dans LE GRAND PARDON, Hanin est très bien entouré : Bernard Giraudeau en flic trouble, Jean-Louis Trintignant glaçant de retenue, et une galerie de seconds rôles savoureux (Richard Berry, Corinne Touzet, Georges Géret) qui donnent corps à cet univers.
Une prise de risque
Le projet ne fut pas simple à monter; Au moment de chercher des producteurs pour lancer le projet, Alexandre Arcady a dû faire face à une forme de défiance. Le sujet—une famille pied-noir juive impliquée dans des affaires de type mafieux—était jugé risqué, voire provocateur pour certains. Arcady a finalement convaincu Ariel Zeitoun et Gaumont, des partenaires solides, de le soutenir malgré cette sensibilité culturelle et politique. C'était une époque où les producteurs osaient encore prend de gros risques financiers sur un projet pour lequel il se sentait impliqué...
Si Arcady assume pleinement ses influences américaines, il injecte dans LE GRAND PARDON une identité proprement française et résolument personnelle. La culture pied-noir n’est pas qu’un simple décor : elle irrigue les dialogues, les rapports entre personnages, la manière dont la famille devient une valeur sacrée, parfois plus forte que la loi elle-même. La chaleur méditerranéenne se ressent dans la photographie, baignée de tons ocres et dorés (signée Bernard Zitzerman qui avait notamment remporté un César pour le film MOLIERE), et dans ces repas interminables où les discussions familiales peuvent basculer en règlements de comptes. Les dialogues, eux, mêlent sans complexe argot parisien, expressions populaires et accents du sud. Quant à la mise en scène, elle nous offre certaines séquences spectaculaires sans renier une forme de théâtralité, donnant à certains face-à-face une dimension presque opératique, tandis que les scènes d’action, dépourvues de surenchère visuelle, optent pour un rendu brut et sec. Cette alliance entre le souffle romanesque et un réalisme parfois rugueux distingue LE GRAND PARDON des modèles américains qu’il cite, offrant une saveur unique au polar d’Arcady.
Un beau succès
À sa sortie, LE GRAND PARDON a connu un bon succès public, suffisamment pour engendrer une suite en 1992 (LE GRAND PARDON 2, avec de nouveau Hanin mais aussi un casting international, et la qualité en moins). Le film est aujourd’hui vu comme un représentant marquant de cette tentative de “polar à la française” à grande échelle. Il a ses excès, ses maladresses, mais aussi un charme indéniable, en grande partie grâce à son mélange d’émotion familiale et de violence criminelle.