Le cinquième élément, la folie visuelle de Luc Besson
Rétrospective sur l'oeuvre de Luc Besson
RÉTRO LUC BESSON
Romain Jankowski
7/24/20253 min read


En 1997, Luc Besson s’affranchit des codes hollywoodiens pour livrer un blockbuster français à gros budget. Co-écrit avec Robert Mark Kamen, LE CINQUIEME ELEMENT mêle action, humour, romantisme intergalactique et esthétique futuriste pour un spectacle impressionnant comme aucune production française avant elle.
Direction la Grande Pomme
Besson nous emporte dans un New York du XXIIIᵉ siècle fait de néons, de gratte‑ciels vertigineux et de véhicules volants. Entre maquettes physiques et effets numériques de pointe, le film repose sur une direction artistique ambitieuse et hybride : miniatures, matte paintings, CGI… la ville semble vivante et totalement immersive. La volonté était claire : s’éloigner du pessimisme stylisé des récits SF américains pour privilégier un univers lumineux, extravagant et profondément ludique. LE CINQUIEME ELEMENT n'est jamais véritablement grave ou sombre, imposant régulièrement son humour dans une tendance que Luc Besson répétera dans ses scénarios futurs (pas toujours d'une heureuse manière...). Il y a ici une recette qui fonctionne, où le cinéaste ne s'interdit rien en terme de designs ou même de costumes : la preuve, c'est un certain Jean-Paul Gaultier qui les a créés.
Entre humour pop et émotion légère
En dépit d’un récit de lutte entre le bien et le mal déclenché par une sphère cosmique menaçant l’humanité, Besson infuse le récit d’un ton comique omniprésent. Dialogues décalés, répliques absurdes et seconds rôles exubérants nourrissent un ton joyeusement excessif. Thierry Arbogast, le directeur de la photographie, évoque un film qu’il considère avant tout comme "une comédie". Cela saute aux yeux quand on le visionne : l'humour est partout, indéniablement usant par instant. Bruce Willis incarne son personnage avec un certain détachement (une partition tout en second degrés qu'il a eu l'habitude de jouer), Chris Tucker est rapidement insupportable tandis Gary Oldman, avec son look improbable et ses répliques décalées, surprend (au passage, l'acteur n'aime pas du tout son rôle et l'a incarné uniquement pour remercier Besson d'avoir produit son film NE PAS AVALER). Concernant Mila Jovovich, son jeu est hautement discutable, mais il s'insère finalement dans un ensemble qui ne prend jamais son intrigue au sérieux.
Un geste artistique
Le fil rouge émotionnel réside dans Leeloo et Dallas : une romance tendre, presque naïve, qui porte l’intérêt du spectateur au-delà des effets visuels. L’union des éléments devient alors une métaphore d’une alliance humaine et universelle, où l’amour est le pilier central, capable de sauver le monde. La naïveté de cette vision se répercute sur des dialogues parfois faiblards. Mais il est aussi indéniable qu'une telle production mérite d'être saluée pour ce qu'elle est : un formidable geste artistique où chaque plan regorge de richesses. Un personnage atypique à l'arrière-plan, des décors bariolés ou loufoques, un esprit "français" qui se retrouve dans la tonalité du métrage et un univers azimuté, une maîtrise totale du cadre et de sa valeur. Le cinéaste tente de jouer dans la cour du Blockbuster, sans jamais renier sa culture et ce qu'il est. C'est aussi pour cela qu'il fut autant suivi dans l'Hexagone, quand bien même la réticence des français à ce que leurs propres productions s'affranchissent des codes intimistes reste présente. Besson a longtemps rimé avec espoir. L'espoir du spectateur de profiter d'un spectacle sans que celui-ci ne fasse trop apparaître ses coutures tricolores. Tout en ne les reniant pas, paradoxalement.
Qu'on aime ou non, LE CINQUIEME ELEMENT reste un film majeur dans l'Histoire du cinéma français et son succès phénoménal (7,7 millions d'entrées en France, 263 millions de dollars récoltés dans le monde) l'a bien aidé à devenir rapidement une oeuvre culte pour de nombreux spectateurs. Concernant Besson, c'est une forme d'accomplissement et il remportera au passage le César du meilleur réalisateur. Que faire après une production d'une telle ampleur ? Aller dans l'exact opposé : après le futur optimiste, le passé troublant avec l'un des personnages historiques les plus célèbres de l'Histoire française.