La tour sombre, l’échec d’une adaptation ratée

DOSSIERS

Romain Jankowski

7/30/20253 min read

À l’instar du SEIGNEUR DES ANNEAUX de J.R.R. Tolkien, LA TOUR SOMBRE du grand Stephen King a longtemps été considérée comme inadaptable au cinéma. Et pour cause : sept tomes, tous différents dans leur ton, leur style et leur structure narrative. Une fresque hybride entre western, dark fantasy, horreur et science-fiction, portée par une mythologie dense, des symboles récurrents et une construction cyclique aussi vertigineuse que fascinante. Bref, un univers si riche qu’il semblait presque voué à rester sur papier.

Problèmes en interne

Et pourtant, Peter Jackson avait prouvé que l’impossible était parfois réalisable, avec sa trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX: une vision dantesque, une foi absolue en l’œuvre originale, un respect scrupuleux de son essence et un soutien indéfectible du studio (la Warner). De l’autre côté du spectre, on retrouve LA TOUR SOMBRE, produite par SONY et confiée à Nikolaj Arcel… sans la même ambition, ni la même conviction.

Alors que s’est-il passé ? Est-ce le studio qui a imposé une vision édulcorée ? Ou Arcel qui est complètement passé à côté de l’œuvre ? Difficile de trancher, même si l’on penche instinctivement vers la première option tant le film semble victime de compromis industriels en cascade. Car LA TOUR SOMBRE version 2017 n’est pas un film totalement raté, mais il donne la désagréable impression d’avoir été vidé de sa substance. En 1h35 (générique compris), le film tente l’impossible : condenser une saga monumentale en un film d’action vaguement initiatique, rythmé mais plat. Étrangement, pour celles et ceux qui n’ont pas lu les livres, l’expérience peut se révéler plutôt plaisante. Le film n’est pas désagréable à suivre, notamment grâce à notre propre imagination qui brode autour des éléments épars suggérés à l’écran. Idris Elba, en Roland Deschain, s’en sort avec les honneurs. Il impose une prestance sèche, intense, et quelques scènes d’action (notamment celle du sous-sol où il tire dans tous les sens) montrent ce qu’aurait pu être le film si l’on avait osé aller plus loin.

King sacrifié

Certains décors suscitent l’émerveillement, à l’image de cette falaise qui surplombe l’Autre-Monde. On sent que l’univers est là, sous-jacent, mais constamment rabaissé à un décor de fond. Et c’est tout le problème. L’histoire est simplifiée à l’extrême. L’ambivalence du personnage de Roland est balayée, les enjeux spirituels, métaphysiques et symboliques de la Tour sont évacués, et le récit tombe dans le manichéisme pur : le bien contre le mal, sans zone grise, sans profondeur.

Arcel a avoué avoir réécrit le scénario pour le rendre « accessible à tous ». Une volonté louable en théorie, mais qui trahit en pratique l’âme même de l’œuvre. En voulant plaire à tout le monde, le film ne s’adresse finalement à personne. Le spectateur est constamment pris par la main, à coups de dialogues explicatifs plats et artificiels. Aucun mystère, aucune subtilité. Là où King semait des doutes, de la poésie, de l’ambiguïté, le film déroule un cahier des charges sans audace. Le choix de suivre le point de vue de Jake (Tom Taylor), l’adolescent, était pourtant intéressant sur le papier : une porte d’entrée humaine dans un monde chaotique. Mais là encore, le traitement manque d’ampleur et de sincérité.

Une série à venir ?

Résultat : une œuvre qui n’a ni la complexité de King, ni l’ampleur d’un vrai blockbuster. Un entre-deux frustrant, qui ne trouve jamais son ton. Et le public ne s’y est pas trompé : 112 millions de dollars récoltés dans le monde pour 60 millions de budget – un chiffre très faible pour une telle licence. Les critiques sont globalement négatives, et les fans, eux, n’ont pas digéré la trahison d’une œuvre qui méritait bien mieux. Un projet de série est actuellement en cours, mais il semblerait que l'angle à adopter est encore sujet à débat. Stephen King a longtemps rêvé d’une adaptation fidèle de son magnum opus. Il attendra encore.