Critique de JOUER AVEC LE FEU
CRITIQUES
Romain Jankowski
1/28/20252 min read
Vincent Lindon est souvent très bon quand il s’agit de choisir ses rôles. Très peu de fausses notes, toujours une grande conviction à l’écran, avec ce mélange de naturel et de force brute qui impliquent directement le spectateur à ses côtés. JOUER AVEC LE FEU a d’autres qualités, mais sa première est de le placer en tant que pilier de son récit.
Une bulle familiale qui explose
Pierre (Lindon) élève seul ses deux fils. Louis (Stefan Crepon), le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus (Benjamin Voisin), l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède place à l’incompréhension… Adapté du roman écrit par Laurent Petitmangin, CE QU’IL FAUT DE NUIT, le film réalisé par Delphine et Muriel Coulin nous plonge directement dans le quotidien de cette famille menée par un père qui travaille dans un milieu difficile, celui des chemins de fer. Les deux frères, différents, sont néanmoins complices et proches. Les liens entre eux trois vont peu à peu se désagréger à cause de points de vues divergents qui mèneront malheureusement l’aîné à faire un choix.
La montée extrême
En étudiant la difficulté de compréhension entre les convictions d’un fils et celles d’un père, les réalisatrices amènent leur film sur un autre terrain, celui des extrêmes. Il n’est pas question ici de donner un point de vue sur la politique, mais bien de montrer à quel point le radicalisme peut briser une personne et une famille. L’histoire des mauvaises fréquentations qui mène à une distanciation des bases sociales, puis à la violence verbale et enfin physique, un cheminement dont l’issue est connue. On filme du point de vue du père et on nous interroge forcément sur la difficulté pour les proches de voir un enfant s’éloigner vers des idées dangereuses. Comment intervenir ? Comment faire comprendre à l’autre qu’il se trompe ? Comme l’empêcher d’agir ? C’est poignant et tout cela rend renvoie à la question de l’inéluctabilité. Une sorte de fatalisme qui ouvre une blessure ne pouvant plus être refermée.
Les deux jeunes acteurs sont très bons et font le poids face au mastodonte Lindon qui emporte tout sur son passage. Il a remporté le prix d’interprétation à la Mostra de Venise et c’est entièrement mérité. Ses regards, sa voix, sa façon de se mouvoir dans le cadre, Lindon est un torrent, une tempête qui trouve un écho lors de ses dernières apparitions, très émouvantes. C’est le genre de rôle qu’il maîtrise avec une facilité déconcertante. Il possède une image très marquée auprès des spectateurs, autant par ses prises paroles dans la réalité (souvent fortes et pertinentes) que par ses choix artistiques. C’est un étendard qui risque bien de faire parler lors de la sortie en salles de JOUER AVEC LE FEU.