Eraserhead, l’oeuvre inaugurale de David Lynch
RÉTROSPECTIVE DAVID LYNCH
Romain Jankowski
1/29/20252 min read


« Ressentir plutôt qu’expliquer ». Tel est le credo qui traverse la filmographie du cinéaste explorée dans cette rétrospective. Ajoutons à cela l’étrangeté et d’effroi, agrémentés d’un travail pertinent sur le regard. Terminer le film de sa carrière par son oeuvre inaugurale trouve ici tout son sens. C’est avec le dérangeant ERASERHEAD que David Lynch enclenche tout ce qui va suivre, le long-métrage résonnant alors comme un condensé des trois décennies futures.
Tête de gomme
Grâce à une bourse de 10 000 dollars, le rusé et ambitieux David Lynch, va développer son premier long-métrage, en 35 mm et en noir et blanc. ERASERHEAD (« tête de gomme », en référence au crayon à gomme, dont le process industriel de fabrication est bien présent dans le film) devait se tourner en 6 semaines durant l’année 1972. Au final, il lui faudra 5 ans pour en venir à bout ! En 1977, le projet coûte désormais 100 000 dollars, réunis grâce à la mobilisation de ses amis et beaucoup de débrouille pour trouver des sous. Le cinéaste est également obligé de travailler, enchaînant les petits boulots pour gagner sa vie. De ce contexte, naît une histoire aux confins de la réalité qui prend rapidement au piège un spectateur désarçonné par l’étrangeté et la pureté du geste.
Un circuit indépendant
On a ici le droit à une douloureuse exploration de l’inconscient dans ce qu’il recèle de plus inavouable et d’indicible. ERASERHEAD ne ressemble à rien de connu, même si certains peuvent le rapprocher du CHIEN ANDALOU réalisé par Luis Bunuel. À l’époque, il fut refusé par les festivals de Cannes et de New York, suscitant l’incompréhension chez ceux qui le visionnaient. Lynch trouvera tout de même un distributeur indépendant new-yorkais qui pris alors une décision astucieuse : faire de ERASERHEAD un midnight-movie, ces films qui défiaient les conventions de l’époque et qui avaient peu de budget pour se défendre . À l’instar de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS de George A.Romero qui a connu son heure de gloire via ce programme, ERASERHEAD va secouer son monde. Présenté alors au festival d’Avoriaz en 1980, le film décroche une Antenne d’Or et le prix du jury, présidé par un certain William Friedkin. Toutefois, ces récompenses ne lui apportèrent pas la gloire, Lynch devant reprendre un travail pour subvenir aux besoins de sa famille avant que Mel Brooks ne vienne à son encontre pour lui proposer ELEPHANT MAN.
Le socle de sa filmographie
ERASERHEAD est une oeuvre fondamentale pour qui veut comprendre la vision de ce cinéaste si singulier. Angoisses liées à la parentalité et à l’engagement, solitude face au monde, exploration des peurs profondes, chacun projettera ce qu’il désire y voir. L’ensemble peut évidemment rebuter, mais Lynch n’a jamais construit ses oeuvres pour plaire au plus grand nombre. Il ne s’est jamais détourné de ses intentions pour atteindre les hauteurs du box-office, même quand il a dirigé une grosse machine comme DUNE. Tout a toujours été lié à cette première oeuvre qui a fixé ses intentions d’auteur.