Critique de UN PARFAIT INCONNU
CRITIQUES
Romain Jankowski
2/28/20253 min read


Après avoir visionné UN PARFAIT INCONNU, il y a ce moment où on revit les instants de grâce qui parcourt le film puis un constat implacable : James Mangold est l'un des cinéastes les plus remarquables de son temps. Il n'a pas l'aura d'un Christopher Nolan, ni la sophistication d'un Denis Villeneuve, mais sa place parmi eux ne serait franchement pas absurde. Sa maîtrise du cadre, alliée à des récits universels et souvent plus denses qu'ils ne paraissent, sa direction d'acteurs... Autant de paramètres qui définissent le statut important que le réalisateur a acquis par son travail.
Une période importante
On pourrait également ajouter qu'il est le roi des biopics musicaux. Après le mémorable WALK THE LINE centré sur Johnny Cash, il tente de dresser le portrait de l'insaisissable Bob Dylan, génie musical et énigme sociale. En se concentrant sur la période charnière de sa carrière (1961-1965), Mangold a décidé d'éviter tous les passages obligés de ce genre parfois redondant. Aucune hagiographie ici, Dylan est montré selon les interprétations du metteur en scène et de son acteur, Timothée Chalamet. Les puristes tiqueront sur l'inexactitude de certains événements, mais l'essentiel n'est pas là. C'est davantage le portrait d'un artiste en quête d'accomplissement, décidant lui-même de celui qu'il veut devenir. Quitte à réagir souvent à l'extrême.
Le mystère Dylan
Entre mensonges sur son passé et carapace blindée auprès des autres (une pauvre fille a d'ailleurs le malheur de lui parler d'amour et encaissera alors une réponse glaciale), Dylan vit entre deux-mondes : celui de la réalité où il doit faire avec le commun des mortels. Puis un autre, son propre univers, ses pensées lointaines. Cette dichotomie s'observe plusieurs fois durant le film, notamment quand le garçon inspiré se lève en plein milieu de la nuit pour composer. Les présences autour de lui disparaissent lorsqu'on lui en demande trop. Y compris les fans. C'est un homme fuyant, rebuter par l'idée d'être "normal" (il dira d'ailleurs que l'essentiel d'un artiste est de ne pas laisser indifférent) et peu à l'aise avec les conventions. Le folk (synonyme de tradition) s'opposera alors à son désir de bousculer les codes. La séquence finale, sensationnelle, résume à peu près tout ce qu'il faut saisir du film.
Durant 2h20, UN PARFAIT INCONNU est passionnant. Comme souvent avec Mangold, tout est limpide, bien agencé, bien filmé. La photo de Phedon Papamichael est sublime (ces plans nocturnes en pleine ville charrient une iconographie assez stupéfiante) tandis que le scénario co-écrit par James Mangold et Jay Cocks (notamment scénariste de GANGS OF NEW-YORK) est parfaitement calibré. Enfin, le casting parfait cet ensemble. Timothée Chalamet livre une prestation impressionnante, saisissant les zones d'ombres du chanteur avec froideur, cherchant constamment à disparaître derrière celui qu'il incarne. Cette sensation d'entre deux-mondes se capte dans ce regard de l'acteur, particulièrement habité par des images qu'il est le seul à voir. À ses côtés, Edward Norton est très bon dans la peau de Pete Seeger, le gardien du temple folk qui vacille face aux inspirations de Dylan. Dans deux rôles peu évidents, Monica Barbaro et Elle Fanning se mettent également en valeur. La première incarnant la chanteuse Joan Baez avec beaucoup de justesse, tandis que la seconde s'impose discrètement dans la peau de Sylvie, la fille qui exhorte Dylan à politiser son Art et à se trouver définitivement. Leur relation, complexe et dissonante, est saisie avec justesse, sans ostentation ou pathos. À l'image du film qui mériterait bien une belle place parmi les biopics.
AVIS GLOBAL : Un excellent biopic, passionnant de bout en bout. James Mangold parvient à capter les nuances de Dylan tout en lui laissant l'aura mystérieuse que l'artiste a cultivée. Son incarnation à l'écran par Timothée Chalamet est d'ailleurs remarquable.
NOTE INDICATIVE : 16 / 20
UN PARFAIT INCONNU est actuellement disponible dans les salles de cinéma.