Critique de JE SUIS TOUJOURS LÀ
CRITIQUES
Romain Jankowski
1/10/20253 min read


Cela faisait plus d’une décennie que le réalisateur Walter Salles n’était pas repassé derrière la caméra pour le cinéma. Il était notamment parti aux Etats-Unis tourner l’adaptation du classique de Jack Kerouac, SUR LA ROUTE. Qui n’avait pas forcément plu à beaucoup de monde… Indéniablement, son nouveau projet pourrait avoir un impact tout autre.
La famille et l’oppression
JE SUIS TOUJOURS LÀ adapte le livre AINDA ESTOU AQUI écrit par Marcelo Rubens Paiva qui revenait sur la disparition de son père, Rubens Paiva. Ce dernier était député du parti travailliste brésilien et a disparu en 1971 durant la dictature militaire. Au-delà du fait de raconter une partie sombre de l’Histoire de son pays, Salles retrace le parcours d’une femme qui se bat avec ses armes dans un monde rempli de secrets. Cette femme, c’est Eunice Paiva, l’épouse de Rubens, qui tente de mettre en lumière les manigances politiques dont sa famille a été victime. Parce qu’au-delà de l’aspect thriller de l’ensemble, c’est avant tout une histoire familiale que le cinéaste met en avant, nous laissant plonger au coeur de cette bulle qui s’apprête à éclater.
Les moments de bonheur se partagent et s’apprécient devant la caméra. Ils ne sont pourtant jamais exempts de contextualisation : la plage, espace de liberté et de joie, est soudainement troublée au loin par des militaires qui passent à bord de gros véhicules. En parallèle, des jeunes sont violemment arrêtés par les autorités qui recherchent des partisans du précédent gouvernement. La liberté est restreinte, sauf au sein du foyer des Paiva où l’on danse volontiers avec les amis et des enfants conquis par les Beatles. Cette première partie nous embarque, nous enlace, avant que la dure réalité ne prenne le dessus. À partir du moment où le mari est emmené par des hommes envahissants au regard noir, JE SUIS TOUJOURS LÀ change de visage et se pare d’une gravité aussi terrifiante qu’émouvante.
Fernanda Torres au sommet
C’est là que le deuxième film commence et qu’Eunice prend toute la lumière. Magnifiée par la prestation exceptionnelle de Fernanda Torres (qui a d’ailleurs reçu un Golden Globe pour sa prestation), Eunice est alors de tous les plans. Combative, parfois accablée, mais jamais résignée, elle poursuit inlassablement une vérité qui se dévoile à mesure que les illusions tombent. Torres incarne les différentes facettes de cette femme avec une intensité bouleversante. Il faut la voir rester droite devant l’adversité, offrir toute la conviction de son regard devant la caméra. Durant deux heures, on passe par toutes les émotions, de la colère à la tristesse, en passant par un sentiment de révolte qui semble vain, comme lorsque Fernanda comprend ce qui se déroule réellement. Le temps d’une séquence bouleversante, elle observe en silence une famille échanger un moment de joie comme elle en a vécu auparavant. En plus de son combat, elle se doit de rester digne devant ses enfants et cacher une vérité bouleversante.
On peut dire que Walter Salles réussit son retour, tant la maîtrise est grande. Si le dernier acte semble un poil déconnecté, il renforce toutefois l’idée que le combat est long avant que la vérité soit enfin dévoilée. JE SUIS TOUJOURS LÀ s’impose comme une œuvre remarquable, nous laissant avec une réflexion profonde sur notre propre société, où la liberté d’expression et d’opinion semble de plus en plus menacée. À travers son récit, le film résonne comme un écho troublant à nos préoccupations contemporaines, rappelant à quel point la quête de justice et de vérité demeure universelle et intemporelle.
AVIS GLOBAL : Un retour en force pour Walter Salles qui signe un film saisissant et particulièrement touchant, porté par l’actrice Fernanda Torres qui livre une prestation d’une grande justesse.
NOTE INDICATIVE : 15 / 20