Congo, l'histoire d'une adaptation difficile
HISTOIRE DU CINÉMA
Romain Jankowski
7/21/20253 min read


En 1995, l’aventure avait le goût de l’exotisme, de la technologie futuriste et des gorilles tueurs. Après le triomphe de JURASSIC PARK, Hollywood poursuit l'adaptation de l'oeuvre littéraire écrite par Michael Crichton. CONGO voulait d'ailleurs surfer sur la vague du film d’aventures techno-scientifique. Mais si l'ambition était réelle, le résultat, lui, fut beaucoup moins convaincant...
Un projet ambitieux… sur le papier
Produit par Kathleen Kennedy, CONGO avait tous les atouts pour séduire : un auteur reconnu, un réalisateur solide (Frank Marshall, davantage producteur, mais qui a connu son petit succès au poste avec ARACHNOPHOBIE), un casting international (Laura Linney, Dylan Walsh, Tim Curry, Ernie Hudson), et une promesse de dépaysement total au cœur de la jungle africaine.
L’histoire suit une expédition envoyée au Congo pour retrouver une équipe disparue dans des circonstances mystérieuses. Sur place, les survivants découvrent une cité perdue, peuplée de redoutables gorilles mutants. Entre géopolitique, satire de la mondialisation et quête d’un diamant mythique, CONGO voulait tout faire. Peut-être un peu trop. Et surtout assez mal.
Une époque fascinée par la high-tech
Comme JURASSIC PARK, le film met en avant des technologies de pointe : satellites, lasers, primates intelligents. Le personnage d’Amy, la gorille qui parle grâce à un gant vocal, est à la fois le cœur du film et son étrangeté majeure. Effet spécial marquant pour l’époque, Amy symbolise aussi l’excès d’un cinéma coincé entre des effets numériques encore trop "jeunes" et une machinerie qui commence à s'essouffler. Frank Marshall avait d'ailleurs expliqué qu'au vu de la technologie encore balbutiante des effets numériques, il voulait éviter un gorille en CGI pour Amy, préférant une actrice en costume animatronique. « Nous pensions que cela la rendrait plus expressive et crédible à l’époque. ». Au-delà de la technique, c'est aussi le scénario qui pose problème. John Patrick Shanley a la lourde tâche d'adapter le roman déjà tortueux de Crichton. Il prend des libertés par rapport au roman pour mieux coller au format d’un film d’aventure classique. L’approche technologique du livre est mise en retrait au profit d’une narration plus dynamique et immersive. Le personnage de Karen Ross est humanisé, motivé par la recherche de son fiancé, tandis que son patron incarne l’avidité capitaliste. Certaines intrigues, comme la course entre expéditions, sont écartées. Le film tente d’équilibrer et de simplifier l’histoire, parfois au détriment de sa cohérence.
Succession difficile
Il y a une vraie volonté de coller à JURASSIC PARK, mais il y a un hic : Frank Marshall n’est pas Steven Spielberg. Il n’arrive jamais à faire preuve de ce sens aiguë du discernement lui permettant de naviguer entre les composantes de son histoire. Il se prend les pieds dans chaque problème au lieu de les contourner. À sa décharge, il n'a pas un matériau aussi fascinant entre les mains que la renaissance des dinosaures. L'ensemble demeure plat et assez problématique par moments, certaines séquences ayant terriblement subies le poids des âges.
Malgré un certain succès au box-office mondial (plus de 150 millions de dollars), CONGO est descendu en flèche par la critique. Jugé kitsch, bancal, voire involontairement comique, le film n'a jamais connu de seconde vie. Il faut dire qu'il est assez difficile d'être clément envers une oeuvre qui fait tous les mauvais choix possibles. Tout juste peut-on extraire la performance pleinement caricaturale de Tim Curry, acteur qui aime plus que tout cabotiner. Mais plus qu'un nanar dont on pourrait se moquer, c’est aussi le reflet d’un Hollywood des années 90 en pleine mutation : dopé à la technologie, mais pas encore tout à fait maître de ses outils. En voulant reproduire le miracle JURASSIC PARK, le film révèle la difficulté de mixer action, science, humour et horreur. Il reste comme une curiosité inclassable, entre blockbusters maladroits et aventures pulp un peu folles.