Box-Office, un début d'année difficile pour les salles françaises
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Romain Jankowski
3/12/20254 min read


Après une année 2024 où les entrées ont été légèrement supérieures à 2023 (+0,5 % pour un total de 181,27 millions de tickets vendus), tout le secteur attendait 2025. Alors que l'année dernière a été impactée par les grèves hollywoodiennes de 2023 (ce qui a engendré, de facto, plusieurs retards de production), 2025 a l'allure d'une année "normale". Enfin, sur le papier...
Deux mois souffreteux
Pour le moment, l'industrie ne se l'avoue pas vraiment, mais le début d'année est tout simplement mauvais. Avec 28,29 millions d'entrées enregistrées en deux mois, les salles françaises connaissent leur fréquentation la plus basse depuis... 1997 ! Exceptés les exercices 2021 (salles fermées) et 2022 (pass sanitaire, nouveau pic de la pandémie), cela fait donc 28 ans que nous n'avions pas atteint un plafond si bas. C'est donc moins que les 28,79 millions de 2024 qui étaient déjà considérés comme catastrophiques...
Comparée à la moyenne pré-pandémie, la chute est d'autant plus sévère avec -31 % sur la période (40,94 millions de tickets vendus en moyenne). Richard Patry, patron de la fédération nationale des cinémas français (FNCF) a d'ailleurs admis au média LE FILM FRANÇAIS que la baisse des entrées était "décevante". Il a ajouté : "Au regard de la manière dont s'est conclue 2024, on pouvait espérer un démarrage plus puissant". Indéniablement. Alors pourquoi ces chiffres aussi bas ? Est-ce vraiment la faute aux spectateurs qui désertent les salles de cinéma ? Dans le fond, oui et non.
Un manque de films populaires ?
L'offre proposée dans les salles sera toujours l'argument numéro 1. Rembobinons le film et revenons donc en 1997, dernière année la plus faible au box-office français (avec seulement 23,3 millions en deux mois). Il y avait alors très peu de longs-métrages porteurs : SPACE JAM, LA RANÇON et DIDIER étant les seuls films ayant à peu près fonctionné sur la période (respectivement 2 millions, 2,1 millions et 2,9 millions d'entrées). Le marché était alors faiblard et il a fallu attendre mai et LE CINQUIEME ELEMENT pour qu'il redémarre ! En 2024, le début d'année a également souffert d'un manque de sorties majeures (hormis DUNE 2) et a réussi à s'accrocher quelque peu grâce à un ou deux films populaires (comme COCORICO et BOB MARLEY, 2 millions chacun). Là aussi, le mois de mai a fait figure de relance (notamment grâce au phénomène UN PT'TIT TRUC EN PLUS). Donc, en 2025, c'est davantage les films populaires qui ont manqué. Il y a eu très peu de locomotives : LES TUCHE 5, avec 2,7 millions d'entrées (à date) et le leader devant... MUFASA et ses 2,6 millions, film pourtant sorti en fin 2024. Derrière, PADDINGTON 3 a attiré 1,5 million de spectateurs et CAPTAIN AMERICA, 1,3 million.
Franck Dubosc a aussi créé la surprise avec UN OURS DANS LE JURA (1,4 million), mais les autres films ont peu brillé. UN PARFAIT INCONNU atteindra tout juste le million d'entrées, BRIDGET JONES 4 fait largement moins que ses prédécesseurs (800 000 pour le moment quand le troisième volet, il y a neuf ans, atteignait 1,7 million) tandis que l'absence de véritable film familial a gravement nuit à la santé du box-office. Habituellement terreau des comédies françaises, le mois de février n'a vu que LES TUCHE débarquer, ce qui limite forcément les sorties massives de spectateurs (à comprendre, des oeuvres qui peuvent toucher tous les âges). D'autant que la saga portée par Jean-Paul Rouve est en perte de vitesse depuis deux films (les deuxième et troisième opus avaient atteint 4,6 et 5,7 millions d'entrées). Il faut ajouter que Marvel n'est plus un gage de "sécurité" et que ses films sont très inconstants au box-office d'un univers à l'autre (pour rappel, DEADPOOL & WOLVERINE a fait trois plus d'entrées que CAPTAIN AMERICA).
Il y a aussi eu du bon comme THE BRUTALIST et la surprise L'ATTACHEMENT, mais cela reste des films "secondaires" pour le box-office. C'est ainsi, le public est désormais plus exigeant envers certaines productions et surprend régulièrement quant à ses choix depuis la réouverture des salles, il y a quatre ans maintenant. Rien n'est fondamentalement grave : on l'a vu l'an dernier, des phénomènes peuvent arriver sans crier gare. Le constat peut également s'appliquer aux Etats-Unis où les recettes depuis le début d'année sont aussi très mauvaises. Il est impératif de retrouver une nouvelle impulsion du côté de leurs productions qui connaissent clairement une panne de créativité. Sécurisée depuis quelques années par l'ouragan Marvel qui a comblé de nombreux vides au box-office, l'industrie se trouve désormais affaiblie en raison d'un leader vacillant. Pour preuve, CAPTAIN AMERICA est le leader US de l'année avec seulement 370 millions de dollars de recettes mondiales. Il faut désormais relancer de nouveaux univers et retrouver de la créativité tout en limitant des budgets devenus démentiels. Malheureusement, lorsque la proposition est là, le public ne répond pas toujours présent. En témoigne le démarrage difficile de MICKEY 17.
Un contexte difficile
Puis, pour finir, il y a évidemment un contexte. Celui-là reste aussi bien caché par les instances, mais c'est une réalité : le prix des places reste cher. Loin de moi l'idée d'entreprendre un esprit démagogique, mais la population doit déjà se dépêtrer avec un pouvoir d'achat limité et le cinéma, pour beaucoup, ne rentre plus dans leur budget. Il n'y a pas si longtemps, certains y allaient peut-être 6 à 7 fois dans l'année. Aujourd'hui, ils ne se déplaceront plus qu'une ou deux fois. C'est une nouvelle réalité, également entérinée par les plateformes et la facilité d'accès des contenus. Pour autant, l'envie de retourner dans les salles pourrait revenir dans les prochains mois, d'autant que le Printemps du Cinéma revient du 23 au 25 mars avec des places à 5euros. À ce prix là, certains seraient même tentés d'aller voir le remake live de BLANCHE NEIGE. Comment ça, non ?